mardi 21 février 2012

Exécution !


A paraître en avril en LOT 49… : Exécution !, de Mark Leyner.

Le jeune Mark a un sérieux problème : il vient d'apprendre qu'on va lui décerner un prix prestigieux et très bien doté pour un scénario qu'il n'a malheureusement pas encore écrit. Il serait temps qu'il se mette au travail, mais ça tombe… comment dire ?… plutôt mal. En effet, son père, Joe Leyner, est sur le point d'être exécuté par injection létale, et Mark doit assister à l'exécution. Ce contretemps est d'autant plus fâcheux que son père est autorisé à prononcer quelques dernières paroles… et que celles-ci vont vite se transformer en une longue confession, riche en digressions et en souvenirs détonants. Heureusement, la directrice de la prison fournit drogues, alcools forts et ébats en tous genres…

On a comparé la prose de Mark Leyner à « un cocktail de William Burroughs et de Jimi Hendrix ». On a accusé ses ouvrages d’endommager les cerveaux de ses lecteurs. C'est pas faux. Lisez Exécution !, vous comprendrez tout de suite pourquoi.

Mark Leyner est né en 1956 aux États-Unis. Il est l'auteur de trois recueils de nouvelles ainsi que de nombreux articles pour Esquire.



Extrait:

Mon père n’est pas un mauvais bougre. Il est juste incapable de prendre de la poussière d’ange sans déraper. Au risque de simplifier, je pense que ç’a toujours été son principal problème. Certaines personnes sont capables de consommer du PCP tout en restant sociables et d’autres non, et mon père tombe malheureusement dans cette dernière catégorie. Normalement, papa est quelqu’un d’hyper gentil, de patient, un type bienveillant, mais quand il a sa dose, il devient une tout autre personne – agressif, instable, extrêmement violent.
Je me rappelle un jour où il m’aidait à faire mes devoirs – j’étais en cours élémentaire deuxième année et je rédigeais une dissertation qui comparait le sacrifice rituel des prisonniers de guerre lors du festival aztèque Tlacaxipeualiztli (la Fête des Hommes Flagellés) avec les récents bizutages mortels à la FIT – et papa se montrait tout simplement d’une aide exceptionnelle en ce qui concernait la conceptualisation du thème de la dissertation ainsi qu’avec les recherches et les corrections (c’était un grammairien minutieux), et à un moment on a sonné à la porte d’entrée et papa est descendu. C’était apparemment un de ses « pécépistes » parce qu’il a disparu pendant près d’une demi-heure et quand il est revenu dans ma chambre, il était transformé. Il transpirait, il bavait, ses pupilles étaient contractées, son élocution laborieuse – les symptômes classiques.
On s’est remis au travail, et tout d’un coup papa s’est emparé de la souris et a surligné une ligne sur l’écran de l’ordinateur et il a dit : « C’est un modificateur non restrictif. Il a besoin d’être séparé par des virgules. »
J’ai dû dire quelque chose du genre : « Ce n’est pas grave, papa, passons à autre chose. »
Là-dessus, il est devenu fou furieux. « C’est une phrase adjectivale non restrictive. Elle n’est pas essentielle au sens de clause principale de la phrase. Elle devrait être séparée par des virgules. C’est très grave ! »
Et il s’est emparé d’un instrument à graver l’ivoire, un souvenir que j’avais acheté à la boutique du musée de la Baleine de New Bedford il y a de ça plusieurs étés, et il l’a enfoncé dans sa cuisse gauche, je dirais sur au moins cinq ou huit centimètres de profondeur.
« Entendu, je vais rajouter les virgules », ai-je dit.
Papa n’a manifesté aucune sensation de douleur, visiblement rendu insensible par sa dose de PCP. Le fait est que s’enfoncer un outil à sculpter dans la cuisse a paru l’apaiser. Il n’a pas fait la moindre tentative pour l’ôter, ni n’a manifesté le moindre désir de le faire, et plus tard, alors que nous nous efforcions de trouver une façon plus familière de dire « cloué au piloris de la propitiation infinie d’une divinité détestable et sanguinaire », papa a fait vibrer sans s’en rendre compte l’outil enfoncé tout en réfléchissant. (Trad. Claro)

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