vendredi 17 juin 2011

Boxer la luette: Radu Bata sur le ring


Qui dit bazar ne dit pas forcément désordre.  Mines de petits riens sur un lit à baldaquin, s’il fourre tout, je veux dire enrobe tout de fourrure onirique, ne se veut pas non plus fourre-tout. C’est un journal, un tracé chronocturne (l’auteur, Radu Bata, ne dira pas non), qui, sous couvert d’explorations, dit ce que le rêve apporte aux mots, au corps, et si le souci de ne rien unifier peut désarçonner, on peut y lire, avec une certaine délectation métèque, le récit d’une langue se refusant à s’asseoir où que ce soit.
Etranger à l’autre, à soi, aux choses, aux mots, sauf à la démarche de dire, l’auteur compile dans leur venue des textes qui, tous, disent, l’effraction : quand dormir ne va pas de soi, qu’un rêve cherche à interpréter l’esprit. On sent, à fleur de syntaxe, l’épineuse question (comme on dirait torture) du bilinguisme, en d’autres temps éprouvée par Gherasim Luca, mais que détaille assez judicieusement Chico Buarque, dans ces lignes que Bata cite p.31 : « Pour un immigrant quelconque, l’accent peut être une revanche, une façon de maîtriser la langue qui l’oppresse », avant de les commenter ainsi :
"Comme quoi, dans ces histoires d’enjambement, le rapport mélodique peut être un rapport de maître. Etre baisé ou baiseur, la question est culturelle. Attention donc au positionnement : parler le cunnilingus entraine une exposition de l’anus."
Bon, dit comme ça, c’est un peu frontal (dorsal ?), mais au moins vous voilà avertis.
Les « mines de petits riens » de Radu Bata sont tout autre chose que des gisements de pas grand-chose, ils sont à lire dans le désordre, le vrai, celui qui naît de l’œil en quête de vampirisations point trop inactives. Alors, avec un peu d’élan et de curiosité, quelque chose se dépliera : d’abord la syntaxe, qui sait être tantôt souple et suave, tantôt sotte et sautillante, comme au bon vieux temps du temps où bégayer parlait aux sens, œil, ouïe, glotte.
Radu Bata est-il, lexicographiquement parlant, désaxé ? On l’espère. Il n’a plus qu’à trouver le gant adéquat pour boxer la luette, et tout ira bien, tout trouvera sa place.
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Radu Bata, Mines de petits riens sur un lit à baldaquin, éditions Galimatias (gris), 15 €

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