lundi 9 juillet 2007

New from the vulture


«Cette nuit, j’ai rêvé que mon esprit explosait et que la déflagration libérait une énergie intense, un monde, un univers parfait»: ainsi commence le nouveau roman de Fabrice Colin, auteur prolifique et, disons-le, éclectique, sachant manier la déraison et la science à proportions égales et détonantes. Des explosions, il y en aura dans ce roman haletant, et pas seulement déclenchées par des collisions ou des bâtons de dynamite. Car chez Colin, l’univers mental est toujours un peu à base d’hydrogène, de nitroglycérine et d’uranium. Quand Bill Tyron est embauché pour enquêter sur Sarah Greaves, une femme travaillant pour l’armée dont on a effacé une partie de la mémoire à la suite d’un traumatisme, il sait qu’il met le pied dans un engrenage à vocation diabolique. Le lecteur, lui, suppose qu’il s’engage d’un techno-thriller et que ça va barder. C’est sans compter sur l’imaginaire made in Colin, capable de transcender à la vitesse Mach-III tous les ressorts du genre. Tout en menant sa drôle d’intrigue avec nervosité et élégance, Colin tisse secrètement une toile troublante, qui lui permet, sans trahir son sujet, de donner par exemple la parole à un vautour, un volatile nommé Reeltoy, nous donnant une superbe leçon de transmigration. Transfusé dans un tigre, le lecteur ébahi accède alors à des moments d’écriture crépusculaire… « Je suis le personnage. Je comprends la chose noire. Qui enlace la vie. Opérant par cercles concentriques pour la séduction et nous incorporer à sa danse spéciale et savoir/ comprendre / c’est voir ce qui se dessine et de quelle façon procèdent les départements concernés les tours hurlantes au sommet des cieux. Comprenant ceci ::: qu’elle va se confondre avec MOI. » L’auteur toujours déroutant du Syndrome Godzilla (éd. Intervista), de Dreamericana (J’ai Lu) et de plus de vingt-cinq autres romans monte haut ici la barre de l’exigence et nous propulse de révélations en fabulations avec un assurance désabusée à la William S. Burroughs. Dan Brown et ses sosies-laquais peuvent aller jouer avec Dantec et consorts. Pendant ce temps, Colin, lui, écrit.
(La mémoire du vautour, par Fabrice Colin, ed. Diable Vauvert)

Chiens farcis & tomates savantes


Allons, l'abrupte évidence est là, couché sur ta paume comme le souvenir d'un clou trop vite enfoncé. Par cet orifice auquel il manque des lèvres et un soupçon d'humidité passent des trains de pensées qu'ont fait dérailler trop d'aiguillages réglés par les millimaîtres de ce monde. Les phalanges, elles, sont soudées pour le meilleur et son contraire: l'oubli. Que le poing soit fermé ne relève que de la simple grammaire car ouvert il n'est plus poing. De même, l'œil fermé n'est plus œil mais paupière, sac fragile passé sur la bille morte. Les projets avortés ont ceci de joyeux qu'ils ne demandent qu'à s'inventer de nouveaux organes et de nouvelles parentés dès que surgit quelque envahisseur mental imprévu. Plutôt que d'être en avance sur son œuvre, on s'agitera donc à rester vaguement en retard sur celle-ci, quitte à en revisiter les faux royaumes exilés et les camps de concentration périmés. Paysage mental, dit le cliché. Mais le cliché a les rotules fragiles et un coup de barre métallique l'aide à prier couché. L'ours couche avec sa peau acheté au rabais de l'hiver. Les idées crèvent comme des cafards sous la pisse du robinet. On ne rentre pas chez soi. On s'y noie et c'est tant mieux. De même, et dissemblablement, on écrit avec des peaux mortes qui ne demandent qu'à renâitre, faire l'oignon est un périple. Si tu n'as plus de père, plus de mère, il te reste tes aïeux en gestation. L'œuf sucé sourit par son trou pipé. Il faut parfois replier la carte sur ses plis. S'allonger verticalement. Approuver le refus. Ecraser des lunettes d'éditeurs comme si c'était des coquillages sur le tarmac. Dire pas tout de suite. Si je savais lire autrement qu'en mécanicien, je dirais que les lignes ne sont pas forcément parallèles. Bienvenue, petite cicatrice. Tu me plaie.

mercredi 4 juillet 2007

A tout prendre


Le compte à rebours a commencé: tranchez vos ceintures, cessez de suivre l'arc ignare des essuie-glaces. L'air-bag s'est depuis longtemps fait bœuf dans votre crâne exposé. La route monte en puissance à l'horizon que code-barrent l'ombre des peupliers régulièrement espacés. Un accident est si vite arrivé que tu n'y prêtes guère attention ou motivation. Le pied sur la pédale, les mains sur le volant: il suffit de fermer mes yeux. Tout rentre chez toi. En soi. Regarde ses genoux, ne regardez pas notre route. Quelques repères grammatricaux s'exilent ici et là, tout baigne. L'ordre règne à Varsovie. A quoi bon gamahucher la langue, d'elle-même elle mouille et s'assèche, puis – zap!– le mur rejoint son ombre porté, crissement de pneus, réflexes inversés. Papiers. Pas de papiers. Plus de papiers. Echec du contrôle. Vous aviez une vie, la mienne, la vôtre, une goutte d'eau sur le macadam a suffi, ensuite je ne sais plus, la lune sur chaque pupille, les cris des loups électroniques, le sabre de la douleur venant enfin à bout du goulot d'être, et le champagne qui fuse, rouge sang noir, qui a éteint? Le danger naît de sa base inconcevable:l'abri. On a quitté les cavernes de l'être pour le dé à coudre de l'oblivion. Facile. Un swing. Un autre. Puis - puis - Ah. C'était donc ça, s'accrocher. Quelle farce. Lâchez les chiens, nos plaies ont soif. Happy the queen. Fourmis partout. Geyser. Autres connivences. Voici venir le temps des [remplissez vous-mêmes, l'encre ne manque pas]. Et bien le bonjour à la môme Silenzia.

A tout perdre


Prends le zéro et, tel un œuf, suce-le, sirote l'idée du blanc et celle du jaune, qu'il ne reste de son ovale ineptie, que d'un serrement concerté des phalanges tu réduiras à l'état de ruines craquantes, que miettes, rétives aux sottes additions. Bien. Tu sais désormais compter. Vois plus loin, en deçà de ce zéro si aisément gobé par ta froide colère. Qu'y a-t-il? Des paquets de charpie macérant dans l'innommé. Soit. C'était naguère un boulevard. Quoi d'autre? De l'infra caca que rien ne peut redorer. Un téton solaire. Tant pis. Un pis qui parle. Et alors? Sors du magma, fuis la trace qui te ronge le pied. Une vessie nommée psychologie se soulage au pied de l'instant, n'arrosant que ses lambeaux cancéreux. Tout espoir est permis. Mais permis ne veut pas dire conseillé. Retourne la peau, qu'elle pèle hors de ta vue. Tu n'es plus qu'un ragoût chié de nulle part, la belle affaire. Tes organes continuent de dériver dans la sauce inconditionnelle de ta mémoire, ce n'est pas grave, un peu d'ébullition à froid les ratatinera et fera d'eux ces breloques qu'on offre sans y penser. Dis adieu. Lâche. Coupe. Plie. Plus ta langue lèche l'amer et plus tu sens rouiller ce qui doit rouiller. Et là, tu comprends. Que parler. Que dire. Qu'exprimer. Que tout ce qui ose se dérouler hors la glotte n'est que sciure de savoir, cendres d'estime. A vue tu navigues, dans des os rongés par la répétition. Le monde est beau comme un média marron épargné par la chasse à l'eau. Reviens. Pas ici: là. Où tu n'as jamais été, dans cet espace odieux qu'occuperont tous tes descendants et qui, un jour, s'appellera, peut-être, avec de la chance et pas mal de persévérance, ta dernière demeure. Crevé tu vis, et à l'oublier tu t'emploies. Tu te rêvais ignare, te voilà cocardé de honte. D'où cela vient-il? Tu le sais. Observe l'œuf de près. Passe ton doigt sur son infini paroi oblongue. Que sens-tu? Qu'est-ce? Brune est la palette qui t'a mise au point. N'en démords pas. Tes dents peuvent encore servir.