mercredi 12 septembre 2007

A question


Dans un de ses derniers et indispensables posts, Fausto cite cette remarque de l'écrivain américain David Markson, que d'aucuns pourraient accuser de se répéter puisqu'il a déjà écrit quatre livres sur le "modèle" d'Arrêter d'écrire, récemment traduit en français:
« Reviewers who protest that Novelist has lately appeared to be writing
the same book over and over.
Like their grandly perspicacious uncles--who groused that Monet had done
those damnable water lilies nine dozen times already also. »
Et le fait est qu'on accuse/reproche souvent certains écrivains de poser leurs bottes dans des empreintes que leurs précédents godillots, déjà, firent, alors que la même critique ne semble pas de voir s'appliquer aux… plasticiens. En fait, l'idée de "série" colporte son petit bagage d'abstraction, et on la supporte mieux chez les artistes qui, figruratifs ou pas, tentent de décliner le… monde; alors que l'écrivain est censé être le champion du renouveau? Un élève de terminale y casserait ses dents et la question est plus qu'intrigante. Un écrivain se répéterait là où un peintre ferait œuvre de série. Pourquoi l'un lasse quand l'autre ravit? La réponse, malheureusement, est peut-être simplissime et indexée sur le temps nécessaire à l'observation de l'œuvre. Regarder six cents nénuphars de Monet ne prend pas dix plombs, mais se taper quatre cent pages de Markson gaverait vite. Bref, la série est correctement artistique dès lors qu'elle n'empiète pas sur ce temps de cerveau dont un crétin cathodique nous entretint naguère. A moins, nuançons, que l'effet de séries n'ait de sens, ou de puissance, ou… d'immanence que s'il se donne à voir dans l'immédiat, la confrontation, le diaporama oculaire dont s'enorgueillit l'œil du muséophile. Alors que lire, eh bien, c'est, comment dire ça, un peu long…
Quoi qu'il en soit, ce décalage en dit long. Peut-être devrions-nous lire plus vite les livres et regarder plus lentement les tableaux. Bref, avant de dire d'un auteur qu'il se répète, vérifier qu'il met en œuvre un effet de série et ne se contente pas de rabacher. Et quand on assiste à une rétrospective thématique d'un peintre, faire gaffe de ne pas confondre travaux d'approche et variations. Mais la variation n'est-elle pas en elle-même une recherche. La série, plutôt que d'affirmer un principe souverain, n'est-elle pas un über-tâtons? Je pose cette question, comme dirait l'autre. Car on ne peut pas juste trancher en disant "différence et répétition", encore faut-il prendre appui sur un perchoir qui n'expédie pas au ciel toujours le même nageur.
Eternel retour: retour du même, mais différemment.
La série cherche l'épuisement, qu'elle sait impossible. L'est-il? En tout cas, Markson, comme Monet, ont touché un nerf. Pour devenir ce que l'on est, restera-t-on celui qu'on aurait rêvé d'être?
Se répéter: chiant, à tous les coups.
Répéter ce qu'on n'a pas encore dit: mystérieux.

2 commentaires:

  1. Rien à voir avec "différence" et "répétition" - juste une banale coïncidence lorgnant fortement du côté de Markson. Tombé aujourd'hui sur cet extrait de lettre de Flaubert à Louise Colet du 16 janvier 1852 :
    "Ce qui me semble beau, ce que je voudrais faire, c'est un livre sur rien, un livre sans attache extérieure, qui se tiendrait de lui-même par la force interne de son style (...)"
    Serait-ce ce qui a conduit le traduttore à oeuvrer précisément sur ce Markson là ?

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  2. Eu la même question, la même réponse rapide du temps, et me suis redit qu'en ayant lu un seul Markson, le reste sur le même principe me semblait peu engageant (quoique beaucoup plus après le post de fausto), avant de penser que chez Beckett (et chez d'autres dans une autre mesure), ça ne m'a jamais posé aucun problème, et même l'inverse. Pourtant niveau épuisé, il se pose là.

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