mercredi 5 septembre 2007

Déklin dla lang franssaise


Intrigué par le dernier post de Thomz (acountryforoldmen), on est allé voir du côté du journal Le Point.
Richard Millet, interviewé avec assez de punch, d'ailleurs, par Jacques-Pierre Amette, est formel: La langue française va à vau-l'eau, le roman français s'est démocratisé au point d'être de la merdouille, la figure de l'écrivain a été désacralisé, la littérature américaine se résume à l'indigent Jim Harrison et l'anglaise aux polars, la critique est aveugle, quant aux blogs, c'est l'anti-chambre de cette Gestapo qu'est le Net – seul Littel, qu'il a publié avec succès de librairie, reste un objet "migratoire".
Hum. On évitera de citer quelques phrases extraites du précédent livre de Millet, ça serait méchant et gratuit.
Que penser de ce genre de discours? Eh bien, franchement, pas grand-chose – et heureusement que Amette laisse entendre à plusieurs reprises que ces jérémiades ont existé de tout temps. On s'étonne qu'un type qui bosse dans l'édition et doit passer pas mal d'heures à lire les nouveautés n'aient pas trouvé, ici et là, de quoi rassasier sa soif de talent. En fait, ce qui chagrine Millet, c'est que l'écrivain ne soit plus sur un piédestal. On ne le salue plus dans la rue. On le confond avec Joe Dassin. Confusion des valeurs, nivellement par le médiocre. Et Millet de nous annoncer, ni plus ni moins, que "la nuit". Ouille. Son regret est-il statistique (pas assez de "grands écrivains), catastrophique (plus du tout de "grands" écrivains"), comparatifs (de moins en moins d'écrivains), digestif (plus rien ne passe)? Bref, on ne sait pas trop, si ce n'est qu'ayant découvert que la littérature n'était pas immortelle (mais qu'est-ce que foutre ça veut dire???) Millet nous dit qu'une "ère inculte" s'annonce. Evidemment, du temps du voyou Rimbaud, on savait trousser des vers en latin à dix-sept ans (euh… forcément, vu le nombre de ceux qui avaient le droit de s'asseoir sur les bancs…). Maintenant, c'est la chienlit, tout le monde écrit, plus personne ne lit. Mazette. Je suppose qu'il serait inutile de citer trente, quarante, voire cinquante écrivains qu'on peut lire, qui écrivent aujourd'hui, ici ou à l'étranger. Ça ne servirait à rien. On a déchu, Millet n'en démord pas. "Banalisation de l'écrivain"! qu'il dit. "Fin de la France", qu'il précise. Eh oui, nous y voilà. Ce n'est pas politique, c'est pire. Millet est sorti de sa caverne, a pigé que ce qu'il se rétroprojectait depuis le début c'était des ombres et que dehors, oh my god, c'est Barnum et Biba.
Franchement, on croit rêver. Ça donne envie d'être cent fois plus pop. Et chez Gallimard, ils en pensent quoi? Ça doit faire bizarre de salarier un prophète.
Bon, en attendant la décapilotade apocalyptico-linguistique de notre pitoyable Gaule, je propose qu'on réimprime le livre de Chevillard en remplaçant le nom "Nisard" par "Millet". Il y en a qu'un qui s'en apercevra, c'est sûr.

5 commentaires:

  1. Ouai j'ai pas pu m'empêcher de penser au bouquin de Chevillard 'Démolir Nisard) en lisant l'interview.
    Disons pour nuancer plus que pour rectifier ce que j'ai écrit dans ma note que je pense qu'il y a effectivement une forme de déclin dans l'usage de la langue. Ne serait-ce que par l'abandon de toute règle sensée d'orthographe et par le fait même que l'on ne forme plus de phrases correctement. De là à dire que le mal est général, il y a un pas gigantesque à franchir certes, mais il ne me parait pas utopique de le penser à terme. Je peux apparaitre pour un vieux con en disant ça mais tant pis pour moi.
    Je suis tout à fait à la recherche d'expérimentations formelles en littérature, de déformation de la langue, c'est une nécessité pour qu'elle reste en vie et continue d'être utilisée, c'est à dire capable de "dire" le monde.
    sur ce que Millet dit de la litt américaine j'ai expliqué ce que j'en pensais.
    Concernant ce qu'il appelle la démocratisation du roman, et du livre plus généralement je pense qu'il s'agit du point sur lequel il est le plus pertinent. Cela se voit par le nombre de bouquins "écrits" par des "people" (haha) qui sont en top des ventes. D'ailleurs ce n'est pas tant le problème des auteurs que du contenu des livres. Il n'y a qu'à sonder le cas du bouquin de Muriel Barbery pour se rendre compte que l'on peut lire n'importe quoi sans que le "grand public" n'y trouve rien à redire.
    Je m'éloigne un peu de mon sujet. Tout ça pour dire que pour beaucoup l'écriture est devenue le moyen d'une reconnaissance sociale où le livre même finalement n'a pas droit de cité. Cette pseudo reconnaissance oblitère le livre qui d'ailleurs n'en est pas un.
    Là où je reprendrais le propos de Millet en l'élargissant un peu plus, c'est sur le fait qu'il regrette le fait que l'écrivain soit tombé de son piédestal (c'est pour ça qu'en addition de ma note je citais le bouquin de William Marx). Ce n'est pas tant la figure de l'écrivain qui à mon avis est tombée de son piédestal, qu'un symptôme plus large de la disparition des "intellectuels" dépassés par ce nouveau média de masse qu'a été la télévision, n'ayant pas su s'y adapter tout en gardant un profond sens critique, et il se passe la même chose avec Internet ; tout en n'oubliant pas qu'il existe de magnifiques ilots de résistance au milieu de la mare aux canards, mais l'on ne peut oublier qu'ils ne constituent pas la norme, même dans leur diversité.
    Oui soyons pop, évidemment !
    Pourtant on ne peut pas jouer les aveugles et ne pas penser à ce qui se passe du côté de la langue, et cela passe aussi par écouter les avis les plus radicaux (Millet) pour en extraire ce qui peut l’être. Débarrassé de ses multiples oripeaux le discours de Millet contient quelques évidences qu’on ne peut oublier.
    Evidemment le problème est beaucoup plus large que celui de l’état de la littérature française contemporaine, c’est plus un problème politique d’enseignement qu’autre chose. Son but est de donner une certaine forme de culture donc d’exigence intellectuelle. A partir du moment où elle renonce à cela il n’est pas étonnant de voire le nombre de bouses qui sont des succès, écrites par des écrivains qui pourtant ne paraissent pas dénués de talents mais qui savent quoi écrire et pour qui….

    bon j'ai été un peu long, mais j'espère que j'ai pu éclaircir mon propos. Le sujet est amplement plus vaste mais passionant. Sans être décliniste, je revendique une première posture pleine de péssimisme tout en ne m'y résoudant pas. D'où un idéalisme distancié mais réel. Qui me mènera à ma perte j'en suis sur.

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  2. Il suffit de fouiner dans les bibliothèques de nos grands-parents pour voir qu'eux aussi avaient leur lot de people. Sauf qu'à l'époque on n'appelait pas ça des people. La télévision a-t-elle tué les intellectuels? C'est lui prêter une puissance de feu redoutable, ce me semble. Le problème du pessimisme, c'est qu'il finit toujours par croire que son contraire est l'optimisme. Allez, du cran, la nuit n'est pas encore tombée, ni sur Ecbatane ni ailleurs…

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  3. Et puis, gloire à Raymond Queneau ("mais doukipudonktan?") et à Jean Dubuffet ("Ler dla campane" et "Oukiva Trene Sebot", tous deux par "Jandu Bufe"), ces deux grands fossoyeurs de la langue françouêêêêêêzze!!!

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  4. Mais quand même, être confondu avec meussieu Joe Dassin (dans la rue par exemple...), c't'assez gênant je suppose.

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  5. Sur le rôle de la télévision il reste encore beaucoup à dire. J'y reviendrais sûrement plus tard, beaucoup plus tard. Pas forcément pour en dire du mal d'ailleurs, loin de là). Le sujet est vaste et fécond quoi qu'on en dise. Et puis je dne pense pas que la télévision a tué les intellectuels, mais que ces intellectuels, mis en relation avec ce nouveau média n'ont pas su en saisir la pleine portée quand ils étaient dedans (ou alors trop bien). Enfin pour me répéter, moi ce que j'en dis...

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