vendredi 28 septembre 2007

Le "Jour" selon Pynchon

Il y aurait toute une étude à écrire sur l'utilisation que fait Pynchon du mot "day" dans Against the Day. Outre le titre du roman qui replie en une seule syllabe un paquet de sens, chaque fois que Pynchon utilise le mot "day", il se passe quelque chose, un glissement, la chose désignée gagne en opacité, en sens aussi. Ce "jour" omniprésent – plus de huit cent occurences… – n'est pas le simple contraire de la nuit, il finit par désigner, au fil des pages, une réalité en soi. Une espèce de falaise menaçante contre laquelle s'agitent des ombres. Un temps arrêté ou sans cesse recommencé. Une pensée unique qu'un rien mine. "Their own version of the day", est-il dit p.207. "Between dreams and the day", p. 222. "The thousands details of the day", p. 261. "Sufficient unto the day", p. 271. "Turning from the day", p. 298. A chaque fois, on sent que ce "jour" désigne autre chose, que seule la texture du roman peut étoffer, à l'épreuve du monde qu'il déconstruit/reconstruit. Against the day: en attendant le jour, certes, le jugement dernier, mais aussi le vrai jour, la pure lumière de l'évanescence. Contre? En un contact intime. Contre? Dans une lutte fratricide. "Day" étant peut-être, dans ces pages, le nom imprononçable de la "vie", telle que la constitue l'infinité de ses variantes et possibles. Contre la vie: à même sa texture duplice. Et ainsi de suite jusqu'au jour… où la Grâce prend le relais, quand le livre s'achève. L'écrivain parvient ainsi à dé-réaliser le mot, à le vider de sa banale substance pour, au fil des pages, lui offrir une dimension prodigieuse. On pourrait se livrer à ce type de relevés sur d'autres mots, non pas détournés de leur sens, mais retournés contre leur sens, dans une guerre sourde, têtue, joyeuse. De même, les "as if", par leur prolifération incessante, instaurent un dédoublement, "comme si" les pages même du livre étaient en spath d'Islande. Ce qui est, somme toute, le cas. Gravity's Rainbow débutait par la chute invisible d'un palais de cristal…

jeudi 27 septembre 2007

Deleuze & Guattari: biosmose



François Dosse vient de publier une bio croisée de Deleuze et Guattari : outre des exposés clairs et pertinents sur les différentes étapes de cette double fulgurance philosophique, on appréciera des éclairages inédits dus à divers entretiens avec des proches. Ainsi, dès le premier chapitre, Dosse nous apprend comment s'est opérée la fusion magique (par l'entremise avisée d'un certain Jean-Pierre Muyard). Le biographe avance en point de croix, fait se chevaucher les périodes, revient sur les différences, examine les écarts. On y découvre un Guattari miné par un passif familial, détruit par la dépression, comme imperméable aux concepts positifs qu'il produit pourtant par dizaines à la minute. Deleuze, plus solaire que jamais, énergumène immobile, paratonnerre de la foudre guatarrienne. Dosse brosse, aussi: un portrait de Lacan en grand manitou-timonier manipulateur, un tableau enlevé des bouffons "nouveaux philosophes" (la marque BHL, la fanfare Glucksman…); Alain Badiou se voit également taillé un joli costard, lui qui sabotait les cours de Deleuze et le traitait de fascisant, et qui aujourd'hui, Deleuze mort, l'a éhontément récupéré, déformé, réduit, trahi – en vain, heureusement. Bref, une bio exemplaire, salutaire. Il n'est jamais trop tard pour rhizomer…

jeudi 20 septembre 2007

De la difficulté de ne pas être pop


Quand je vois une couverture de Strange hors série je deviens tout chose; quand j'entends une bribe de The Pet Sounds j'entends la houle; quand Dorothy fait part à Toto de son inquiétude de n'être plus au Kansas, je serre le coussin du canapé; quand je me rappelle que j'ai triché pour voir Orange mécanique au cinéma je glousse; quand par erreur je trempe mes lèvres dans un whiskey-coca je me dis que ça fait longtemps que je ne suis pas allé dans une boîte; quand ma mère me téléphone en rêve pour me dire, bien que morte, que le proviseur du lycée trouve étrange que je sèche autant, je fume en douce; quand je reçois sur le dos de la main une goutte de cire, je pense à des trucs un peu limite; quand je relis Balzac j'ai l'impression de décrocher mon premier rencard; quand je lis Lenz je vois le profil d'aigle de Deleuze; quand ma fille lit Marx je repense aux couvertures rouge et blanc des éditions sociales; quand Pif ressort je ne comprends toujours pas pourquoi je n'ai pas gagné, trente-cinq ans plus tôt, ce fameux voyage aux Baléares que ce magazine coco m'avait fait miroiter; quand je tape sur le clavier de mon ordi je revois le trou dans la table en bois de la table d'école où c'est qu'on trempait la plume pour écrire sous l'œil du sergent Major; quand j'écoute les Beatles je me demande à quelle heure je commence demain — vague impression de vieillir… Mais: Mais: Mais: quand je me convoque, m'insurge et me dis, après un effort gros comme les parties génitales d'une cacahuète atteinte de nanisme que je dois, dois, dois, dois, écrire, j'ai juste envie de m'évader de la Maternelle-Isidore-Lautréamont et de tenter le tout pour le tout, comme ça, pour rien, parce que si ça se trouve, au bistro Antoine-Volodine de la rue Pierre Guyotat, à Artaud-sur-Genet, je vais retrouver quelques potes, tous aveugles, tous sourds, mais tous sacrément partant pour une virée divergente. Ouais, dès fois c'est comme ça. Comprenne qui s'en foutra.

Inculte: more info


INCULTE # 14 ■
A l’occasion de la sortie du prochain livre de Mark Z. Danielewski, la revue Inculte lui consacre un numéro spécial assorti d'une cartographie (grand format en couleur) des lieux du roman qui vient de paraître, conçue et dessinée par l’auteur. Inculte # 14, c’est aussi un dossier sur l’enfermement avec des textes de François Bégaudeau, Arno Bertina, Bruce Bégout, Mathieu Larnaudie, Oliver Rohe et Joy Sorman, deux entretiens – William Gass et Claude Murcia, traductrice de Juan Benet – et, enavant-première, une nouvelle de Leon Rooke. Plus des extraits d'un livre mystérieux de J. B. Hound.
Novembre 2007 / 11 x 17 / 224 pages / 8,50 € / ISBN 978-2-916940-02-1 / AS 5624

mercredi 19 septembre 2007

Club


Je ne sais pas si certains d'entre vous ont du temps à perdre, mais il existe un club des admirateurs des critiques partiaux & fous. Ainsi, au cours d'une soirée quelque peu irriguée, nous sommes tombés, avec des amis, sur les critiques d'un certain Jacques Saada dans le dico du cinoche, et après examen approfondi avons découvert qu'il vouait un culte wagnérien (pour ne pas dire aryen) à Sharon Stone. Allez voir, ça vaut son pesant de cacahuètes. Récemment, les mêmes sources m'orientent vers un certain Dr Jacques COULARDEAU, Université Paris Dauphine, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne & Université Versailles Saint Quentin en Yvelines qui signe, sur amaron.fr, des critiques musicales absolument imparables d'inanité sonore, et frôlent la démence sémantique. Je vous en livre deux pour ce soir, à vous de vous délecter, mais franchement, le mur du son a été franchi:

Slow Club, bienvenue chez les inclassables. Cherchez le modèle et si vous en trouvez un je vous offre une nuit d'extase. une voix parle dans une intonation normale et à un rythme normal sur une musique à deux lignes harmoniques et une ligne rythmique plus ou moins loin dernière selon les moments. Et la batterie est comme un bruit moitié bois moitié métal que l'on utilise pour répétitivement créer un tempo. Et puis vous disparaissez dans plus de vingt couches de musique psychédélique, contemplative et introspective flottant de portée en portée comme si c'était une ré-écriture de Sergeant Pepper par les Beatles hybridés par Frank Zappa et une musique télé pour série extra-terrestre qui se rapproche parfois dangereusement des hélicos de Jimi Hendrix à Woodstock. Et en même temps on s'envole vers Zabriskie Point, Cleo, We'll leave this town tonight and travel light. Et pourtant pas de feu d'artifices de résidences vingt cinq étoiles dans le désert. Puis l'étape suivante vous emmènera dans une station spatiale où vous serez bercé par l'écho du chant des étoiles dans l'immense vide du cosmos. Ils sautent ainsi d'un groupe à un autre, d'une influence à une autre, d'un emprunt à un autre. Ce sont des abeilles butineuses qui avec des pollens empruntés, sinon volés font du miel qui vous envoûte et vous berce dans un magma sans Vander, un électro acoustique sans Ange, ou bien avec ce qu'ils appellent ici et là la culture, le mix, l'hybride, le métis, comme si c'était une copulation absolument sexuelle : n'hésitons pas un instant, le plaisir culturel est dans le mélange des gonades et des petits spermatozoïdes qui se croient tout permis pourvu qu'on ne les dérange pas dans leur inventions musicales qui soudain deviennent des potions - magiques vous avez dit ? - à la Potter ou à la Voldemort quant tout à coup vous recevez l'ordre de bien vouloir vous mettre au travail sur une musique qui ressemble à du rock léniniste si classique que même Georges Marchais aurait trouvé ringard, mais c'est que c'est charmant, surtout quand vous comprenez les paroles dans une langue étrangère que Marchais n'aurait certainement pas comprise. A quoi donc jouent nos Belges ? Good Bye Lenin ou Good Morning Vietnam ? Un Hair progressif ou un country métallique amplifié? Ils voudraient être invités par Bush à la Maison Blanche, dont l'épouse a un goût culturel très patchwork middle class, qu'ils ne feraient pas mieux. Mais c'est qu'ils vont péter les plombs de la Concorde si par malheur on les invite un 14 juillet, et c'est qu'ils le méritent quelque part. Et en même temps ils sont en phase avec ce qui se montre de plus osé sur Myspace Music. Qu'ils ajoutent un peu de kangourou et qu'ils enlèvent un peu de Cary Grant, qu'ils ajoutent un peu de métal sibérien et qu'ils enlèvent un peu de californien années 80 post Beachboys et pré-Zeppelin, qu'ils augmentent l'hystérique et qu'ils abandonnent le skateboard ou le surfboard et ils ont une chance de nous crucifier sur la croix de la musique d'ascenseur new wave qui nous arrache les tympans dans les lieux branchés que nous évitons quand nous voulons penser, vous savez utiliser le cerveau comme une machine à calculer, un ordinateur en quelque sorte, plutôt qu'une chambre d'écho. Survivront-ils à la révolution globaliste qui passe par la refondation académique symphonique de la soirée d'inauguration des jeux olympiques d'hiver quelque part dans les Alpes par un Michel Jarre qu'on a tiré de son petit bocal à confiture pour devenir la crème fouettée du sorbet aux amphétamines du dopage BCBG à la Poutine français ou à la Merkel gauloise, voyez les présidentielles récentes. Et il y a pourtant un charme indéniable dans cette musique qui semble avoir cassé ses bocaux de conserve pour surfer sur les normes en vogue. Ou bien les piétinent-ils ? A vous de décider.

Allez, encore une:
La Nouvelle Odyssée de l'Espace. Cette musique est une vraie création qui montre, démontre et littéralement en remontre que la vraie tradition ne peut être qu'une fuite en avant vers les créativités croisées à la recherche d'un au-delà des fossés qui séparent les chapelles de toutes les mosquées ou synagogues du monde. Ici Bouffard prend un malin plaisir à mêler l'Auvergne centrale à l'oriental moyen ou nord africain. Et il a su retrouver la force infinie d'Oum Khaltsoum et la profondeur aérienne de la cornemuse des montagnes dorées du Massif Central. C'est cela l'identité nationale. La capacité d'absorber et de transmuer le monde entier dans un creuset qui n'a plus ni heure, ni coordonnées spatiales, ni références stylistiques. C'est projeter Ronsard, Mignonne allons voir si la rose, dans un vase chinois qui ne sera produit qu'au 23ème siècle, et le charger de la liqueur que l'on distillera des derniers vins de glace du monde produits au Groenland juste avant que ne démarre la retombée dans la cinquième glaciation du quaternaire qui cèdera alors la place à une cinquième ère où le perce-neige deviendra le symbole de la canicule éternelle. Bouffard fait mentir toutes les vérités une fois pour toutes acquises par la majorité des sondés de ce monde manipulés, pétris et pénétrés qu'ils sont des doigts d'anguille des médias menteurs par souci commercial, trompeurs par facilité jouisseuse, arnaqueurs par fascination lobotomisante. Et qu'on ne croie pas qu'il puisse y avoir un autre choix qu'entre la Ségozy ou le Sarkolène, les deux liqueurs couleurs muraille que notre monde des enchaînés au petit écran a produits. Et seul le prêtre roux de Venise ou d'ailleurs, entre l'archet les ouïes d'un violon, pourrait peut-être nous distraire avec des variations tziganes d'un nouveau genre en un langage tout neuf pour les nouveaux sourds et les nouveaux aveugles, le bayre, qui est appelé à remplacé le braille. Fini les gens qui braillent et vive les gens qui bayrent. Laissons-nous emporter dans ce ciel de Paris qui réverbère, ou lampadaire, la lumière d'un deuxième soleil et la lueur d'une troisième lune, car autrement nous sommes condamnés à être fauchés par les bovidés de l'hypocrisie de qui hurle à la bonne bouffe, d'ailleurs plutôt grande, et fait son blé pécunier en vendant du roquefort aux USA après l'avoir fait classer produit de luxe pour ne pas le voir interdit à la vente sur ce marché étranger car fait avec du lait cru. Voilà le bouillonnement que Bouffard tisonne en nous avec sa musique composite dont l'unité est d'autant plus forte qu'elle entrelace davantage de styles et chants venus des mille coins de la procréation musicale.

And then, to bed, comme dirait Pepys.

Platine


Si vous ne connaissez pas Fabrice Colin, c'est un peu comme si vous aviez chez vous un juke-box auquel il manque le manche. Avec une régularité si fortiche qu'on pourrait la croire alsacienne, cet ancien catcheur reconverti dans l'onirophagie est branché directement sur la musicosphère. Grâce à lui, je découvre, comme si j'avais seize ans, toutes mes dents et un peu de temps, un paquet de pop-anthem qui m'aident à travailler autant en gagnant moins. Grâce à lui, donc, je détiens dans mon Mac la chose délicieuse qu'est Drowaton, des Starlight Mints. Par exemple, Seventeen Devils, bien à fond dans l'écouteur à 4h57 du matin, je peux vous dire que ça redonne de la couleur à votre café et vous permet d'apercevoir quelques ptérodactylos dans le ciel de Paris est. Toujours grâce à DJ-Fab, on écoute en ce moment Silverchair, BLack Francis (oui, vous savez, le mec qui change de nom comme d'autres de conseillers, et qui a commis en son temps quelques perles atomiques - et pour la petite histoire sachez qu'autrefois, il y a fort longtemps, votre serviteur écrivait des chroniques de disques avec son pote Yves Pagès, mandatés par un autre larron ami, Viviant de son nom, et que c'est le Pagès à qui échut de causer dans Guitare & Clavier des Pixies, de leur premier disque, qu'on a écouté la lippe bandante et l'ouïe chahutée. Perso, j'avais chroniqué Tom Waits, The Damned, et sûrement les Residents, mais un courrier des lecteurs nourri, et assez haineux, m'avait obligé à démissionner. J'ai juste eu le temps et l'occasion de manger kasher avec Marcel Dadi avant qu'il se tue en avion. La vie est bizarre et retorse, mais c'est comme ça.

Ganesha


Grâce à Pedro Babel, mes problèmes de traduction en terre pynchonienne sont enfin résolus… Il m'a suffi d'allumer quelques bâtons d'encens à Ganesha, déesse des obstacles (et qui m'a tout l'air d'un éléphant, mon animal fétiche, mais peut-être me trompè-je…), et le ciel anciennement lourd d'asphalte s'est brutalement éclairci en un délicieux gazon vibrant qui, aux yeux des Casse-Cous, semblait un voile jeté sur la nature impossible du Temps tandis que Pedro Babel, épaulé plus que consciemment par Fausto, G@rp, Werli, AW et alli tentaient, au cours d'une diversion dont la violence n'avait d'égal que la perspicacité des armes utilisées, d'affronter l'imminent retour du même au sein ombrageux et sournois du même, ou, devrait-on sans doute dire, et préciser, de cette chose qu'aucun n'osait nommer mais qui, depuis le tout début, n'avait cessé, à force d'allusions et de messages truqués glissés au fil des blogs, dont certains allaient même jusqu'à prétendre que l'intervention de Ganesha ne pouvait qu'être le fruit d'une intervention des puissances cachées œuvrant à la destruction, à moins que ce ne fût la création, mais de cela personne n'était certain, d'une certaine unité nécessairement secrète dont les noms, oubliés de tous, correspondaient comme par capillarité, à ceux des ultimes conquistadores de la flore littéraire, néanmoins amadoués par d'opaques lectures — euh… à part ça, tout baigne, c'est franchement fastoche, Pynchon. Faut juste que Ganesha soit vraiment Ganesha – si c'est sa sœur, on est mal.

En mai, OR à Nantes





C'est un peu tôt à l'avance prématurément (le 7 mai 2008), mais bon, si vous passez par Nantes au temps des cerises, on causera de Danielewski au Lieu Unique, avec Isabelle Rabineau. Université pop? Yes.

To Kill a Translator


Un petit extrait du Pynchon (en anglais…), qui pourrait faire, ma foi, un fort joli test de traduction… On ne s'en relèvera pas de si tôt…



"Earlier that day Alonzo had paid his weekly visit to the "Old Man," Out the window breathed a spring afternoon, a sunny verdigris campus, dipping away to a windbreak of Lombardy poplars all at that distance in a green mist of budding, while before the window-frame bobbed the kindly seamed face of the Commandant, with its closely maintained white mustache and gold teeth which flashed when he smiled—to appearance the slow and amiable smile of the drug habitué, but in fact an all but nihilistic dismissal of whatever the world might present him — opiatedly explaining meanwhile to the young informant, as he had dozens of times previous, everything, everiything — Chromatic Harp Safety, and the particular need to keep those nasal hairs closely trimmed lest one or two be caught between cover and plate and get pulled out, which beyond the pain and humiliation carried as well the risk of brain infection, and where and when the units slept and who stood the different kinds of watches such as Pitch Integrity Guard, protecting through the hours of darkness the famous D-Flat Reverberating Harmonica from the Phantom Filer, known to sneak in with a full set of professional harmonica-reed files to alter notes and create difficulties for soloists upon the instrument, obliging them at times to shift over to sucking the tonic chords and blowing subdominant ones, producing a vaguely Negroid sound — though the intruder must take care to avoid as well the Provisional Anti-Urination Watch, up against late-night visits to the latrine, peculiar, indeed pee-culiar, goings-on in there having been recently reported... Out the window behind the Commandant on the Activity Fields could now and then be made ements of the Harmonica Band engaged in "Physical Education," though not the usual Rugby Union or Lacrosse, no it was rather some horrible… nonregulation Combat-Inside-Ten-Meters, as the musicians, tiny figures in red sweatshirts bearing the golden crest of the Academy, attempted to strangle, kick, or, if suitable rocks happened to be to hand, beat each other, apparently, into unconsciousness if not further ... bodies had begun, actually, to fell, and screams delayed by distance to float at last up from the green fields and through the Commandant's window to accompany his long recitation, punctuated with tuneful quotations on his personal gold-plated I.G. Mundharfwerke "Little Giant," from behind a desktop chaotically littered with books, papers, and (embarrassingly) outright refuse, such as orange peels, peach pits, and cigar stubs, drifted in places to depths of two feet and more, somewhat repelling Meatman, who had after all only come here to "rat" on his classmates, who would soon, bearing their playing-field casualties, come marching back between the magnolia trees, to the sprightly Offenbach air "Halls of Montezoo-HOO-ma!" the tranquil Old Man with syrup-slow ease continuing his digression, fading through the afternoon, into obsessively detailed allegations of odd latrine behavior, evoking in short flashes white porcelain fittings voluptuous of form, not necessarily toilets, though in some way vehicles for the mysterious but as yet unspecified "pee-culiar goings-on," presently allowing the whole picture to be viewed, a rapid swoop down between the ranks of white fixtures, blurring moistly violet at the edges, into the Latrine itself, into dark proximities including—unavoidably— corruption and death, the rows of mirrors facing each other through a haze of secular use, the breath, atomized dentifrice and shaving preparations, ascents of tapwater vapor bearing traces of local minerals, each set of images chaining away for uncounted leagues, everything reflected, headed for the Point at Infinity along a great slow curve..." (Against the Day, pp. 421-422)

Bon, vous avez vingt minutes, parce qu'il en reste encore sept cents dans ce genre… (Pour vous aider, n'hésitez pas à recourir à des techniques éprouvées, comme le saut à l'élastique radioactif accompagné d'inhalations de gaz d'hélium ou la course nu dans les bois la nuit, un hérisson dans chaque main).

mardi 18 septembre 2007

Noirlac


Le 21/22/23, on sera . Il paraît que c'est bien. On vous racontera. En tout cas, Noirlac est un bel anagramme…

Russel Hoban


Certains d'entre vous connaissent peut-être Russel Hoban. Il a écrit entre autres un roman intitulé Riddley Walker, autour duquel je tourne depuis plus d'années qu'il ne me reste de doigts après une journée intense de clavier. J'ai enfin trouvé, après moult démarches infructueuses, un éditeur désireux de se lancer dans cette folie. Comme rien n'est signé ni fait, je taierai le nom de cet éditeur. En revanche, pour aguicher vos papilles, voici les premières lignes de la chose (en anglais, hein, enfin… quoique… bref, lisez vous-mêmes…):

"On my naming day whan I come 12 I gone front spear and kilt a wyld boar he parbly ben the las wyld pig on the Bundel Downs any how there hadnt ben none for a long time befor him nor I aint looking like that when he come on to my spear he wernt all that big plus he lookit poorly."

Bon, je rassure nos amis qui rôdent autour des Recognitions que c'est quand même moins volumineux. Comme l'a dit Burgess à propos de ce livre atypique (j'adore ce mot, on dirait une épine intelligente…): "This is what literature is meant to be…"
Je connais plus d'une cochon-tirelire qui va faire sa prière.
En attendant lisez B.S. Johnson: tout. En anglais ou traduit, chez Quidam. Mais on reparlera bientôt de BS, qui est quand même hénaurme et que notre pauvre France boude bêtement.

In the loop







"I'm in no mood", "Black-Hearted Boy", etc… Difficile d'écouter autre chose à cinq heures du matin quand on aproche du mitan d'Atd. The Fiery Furnaces, avec Bitter Tea, vous transforment l'oreille en poste à galène hallucinogénique. Et si vous frôlez l'état de manque, le chanteur Matt Friedberger en rajoute deux couches, avec un double album, Winter Women/Holy Ghost Language School. Allez, on boit la tasse!

lundi 17 septembre 2007

O Révolutions sur les ondes









Demain matin, mardi 18 septembre, de 10h à 11h, sur France Culture, émission de Pascale Casanova (Les Mardis Littéraires) consacrée à O Révolutions, de Mark Z. Danielewski, avec le traducteur, Olivier Renault et Pascal Arnaud… et entretien enregistré de MZD.

Vers la grâce: le livre



















A l'initiative des éditions Minuscules, sises en Alsace à Obernai, et sous la houlette d'Antonio Werli (dont certains d'entre vous connaissent le site), sera publié fin octobre un petit ouvrage reprenant mes interventions en ces blog-lieux sur la traduction en cours d'Against the Day. On recausera pour ceux que ça intéresse. (Simple précision: la couv sera pas bleu.)

vendredi 14 septembre 2007

Verticalement vôtre

















Pour ceux qui s'intéressent à ce que publient les éditions Verticales, et qui habitent Paris, ou s'y trouveront le lundi 17 septembre, voici l'info:


Soirée de lectures au Point éphémère

Comme l'an dernier, nous organisons une soirée de lectures des livres de la rentrée au Point éphémère (200 quai de Valmy 75010 M° Jaurès ou Louis Blanc). Soirée littéraire suivie d'un verre amical.

Accueil dès 19h au bar du Point éphémère (entrée libre pour les lectures)

20h00 Claire Fercak lira des extraits de son roman Rideau de verre avec Arnaud Cathrine
20h15 Julie-Marie Parmentier dira des extraits du roman d’Hervé Gauville, Pas de deux
20h30 Hugues Jallon lira des extraits de son livre Zone de combat
20h45 Camille de Toledo et Lorenzo Charoy liront des passages de Vies et mort d’un terroriste américain.
21h00 François Bégaudeau lira des extraits de son roman Fin de l’Histoire
21h15 Olivia Rosenthal lira des extraits de son roman On n’est pas là pour disparaître

Un don: Rigaut


Pour ceux que la vie, l'œuvre et l'énigme Jacques Rigaut intéresse, je ne peux que conseiller le site de Jean-Luc Bitton, qui bosse d'arrache-main pour Denoël sur une biofolle de l'homme Rigaut, et qui parle aussi d'autres choses, qui en montre aussi, photos à l'appui, rêves, doutes, passions… Itinéraire d'un biographe, quête d'une non-explication, variations en mineur et majeur, un peu de tout et une grande interrogation sur ce rien qui, un jour ou l'autre, nous happe. Keep on the fight, JLB!

Hortefeux: l'enquête est formelle…


SADNF: n.m, abrév., pour "Sans ADN Fixe". Désigne les personnes désireuses de vivre libres mais susceptibles d'être pas mal taquinés par la catégorie professionnelle qui fête l'anniversaire des rebeux. "Le sieur Hortefeux se targua d'avoir, avec l'aide des sauveteurs du rebeu défenestré, permis l'arrestation de quelques SADNF voués à la clandestinité."(Michel Deuvotroi.)

Lot 49 / 2008

Now that I Have your attention…


Demandez pas le programme, le voici:

Janvier 2008 : Joanna Scott, Tourmaline
Mars 2008 : Jim Dodge : Stone Junction
Avril 2008 : Richard Powers : The echo Maker
Octobre 2008 : Brian Evenson: La confrérie des mutilés

Ceusses qui ont des idées sur un possible titre en français pour The Echo Maker sont les bienvenus en commentaires.

Rebeu


Rebeu: n. m, désignant, en verlan [Cf. article Verlan], un Arabe. "Le vaillant policier vint à point pour sauver le pauvre rebeu." (Maxime Dugenou). "Quand le Rebeu entra dans le commissariat, l'air hirsute et désemparé, tous les plantons présents qui étaient en train de lire les œuvres complètes d'Einstein se levèrent et lui fêtèrent son anniversaire." (Amédée Renioule). "A peine le rebeu fut-il tombé du vingt-septième étage, poussé par un gauchiste, que l'escouade de gendarmerie déploya son trampoline, sauvant ainsi l'infortuné." (Robert Galipiat).

Ouf. Voilà. Ça va mieux comme ça, messieurs les anciens employés de notre président ?

Les Chums, mode d'emploi


Pour ceux qui lisent ou ont lu le dernier roman de Pynchon, Against the day, les Chums of Chance sont déjà des amis pour la vie. On a décidé, dans la traduction, de les désigner sous l'appellation de Confrérie des Casse-Cou, et le plus souvent les Casse-Cou (ça sera comme ça et pas autrement, na!). Mais d'où viennent-ils, ces charmants garçons? Eh bien, il y a apparemment pas mal de sources, de précédents, mais l'un des plus évidents semble être la série des Tom Swift écrite par Victor Appleton, et en particulier les titres suivants: Tom Swift and his aerial warship & Tom Swift and his Airship. Rappelons quand même que le Tom Swift en question a une importance non négligeable dans la nouvelle de Pynchon intitulé The Secret Integration, qu'on trouvera dans le recueil Slow Learner. Les aventures de Swift sont plus ou moins disponibles sur la toile, et l'on peut même constater qu'au début d'un des deux titres précédemment cités il est question d'un problème de soupape qui déconne, ce n'est pas sans rappeler le début d'Atd, quand l'aérostat pique soudain du nez. Du coup, cette résurgence d'un personnage littéraire déjà chatouillépar le Pynch autorise à une lecture d'Atd assez exhaustive, qui pourrait être: et si, entre cent mille autres choses, l'auteur s'était amusé à repasser par tous ses petits topoï préférés? La chasse est ouverte… Et quand on voit la couverture d'un des épisodes de Tom Swift, ici reproduit, où le dirigeable percute une… tour, eh bien, on se dit que le roman de Pynchon n'a pas fini de nous éblouir par ses multiples plis.

More parrots…


Eh oui, c'est comme ça, en ce moment on traverse, Flaubert oblige, un petit épisode psittophile, pourquoi le nier, pourquoi s'en priver? Aujourd'hui: Courbet. Souffle cou coupé, non?

Kiffer la Koi ?


Ça faisait longtemps qu'on attendait en France qu'un mouvement littéraire relève le gant du manifeste. C'est chose faite avec le collectif "Qui fait la France", lequel publie un recueil de nouvelles chez Stock accompagné d'un manifeste que les Inrockuptibles publient tel quel ou presque, mais visiblement sans aucun sens de l'humour. Ce manifeste du parti qu'on-puniste n'y va pas de main morte! D'abord ils ont des raisons, listées sous la rubrique "Parce que", ensuite ils ont pris des décisions, répertoriées sous le colonne "Nous". Outre le fait qu'ils s'expriment dans une langue tellement de bois qu'on a dû mal à croire qu'elle pourrait faire autre chose que dériver du fait de sa pathétique flottabilité (ce que le Nouvel Obs a gentiment relevé dans un rigolo article que Qui fait la France n'a pas apprécié…), nos dix mousquetaires n'hésitent pas écrire des choses comme "cette génération, la nôotre a le feu pour réussir, […] l'odeur du Maghreb, l'amour du drapeau tricolore et de la poéie de France". Là je dis: ????? Pourquoi ce silence sur nos beaux fromages et leur semoule? Ils précisent aussi qu'ils ont "le punch pour démolir les portes", ce qu'on avait compris puisqu'ils ont déjà la poigne pour encfoncer celles qui sont ouvertes, et elles sont nombreuses, tant leur manifeste est une suite de clichés aberrants et d'âneries sans nom. Mais le fin fond de l'affaire, et ces petits gars l'ont compris, c'est de s'ancrer dans le réel (à croire que le réel est une mer solide). Ils sont aussi "issus d'ici" (et sûrement "déçus de là", mais passons). Ils sont "las de l'arrogance des nantis". Reviens, Jean Valjean! Et puis, ils veulent, ou vont, ce n'est pas très clair, se lever "comme une seule encre". Alors là je dis bravo. Se lever comme une seule encre! Epatant. J'achète blind tous leurs futurs livres, d'autant plus qu'ils rêvent d'une "littérature au miroir, réaliste et démocratique" — j'ose à peine imaginer à quoi ça peut ressembler, ça sera sûrement de très bon tain, même si certains exemples du passé nous donnent une assez sympathique idée de ce que ça peut donner. Bref, tout ça sent son petit sciences-po(ète) de derrière les fagots. Je sens que la tyrannie du réel a pas fini de nous faire rire. Se lever comme une seule encre! bon sang, falllait la trouver celle-là. Noin mais franxchement pourquoi je m'emmerde à vouloir qu'on "bouleverse la donne du langage et qu'on perturbe l'équilibre chimiquement instable de la narration" – ça c'est la langue de bois chez nous à Lot49… –, alors qu'il est si chouette de faire de la littérature au miroir, en se rasant le matin par exemple, un bic dans une main… et un bic dans l'autre. Allez, on se calme.

jeudi 13 septembre 2007

F(o)ugue


Très belle note de lecture concernant O Révolutions sur le site de Volovent, site décidément à surveiller de près.
"Je me rends compte que je suivais le rythme, collant à l'enthousiasme de Sam et Hailey menés par l'amour, la liberté et leur jeunesse f(o)ugueuse."



mercredi 12 septembre 2007

A question


Dans un de ses derniers et indispensables posts, Fausto cite cette remarque de l'écrivain américain David Markson, que d'aucuns pourraient accuser de se répéter puisqu'il a déjà écrit quatre livres sur le "modèle" d'Arrêter d'écrire, récemment traduit en français:
« Reviewers who protest that Novelist has lately appeared to be writing
the same book over and over.
Like their grandly perspicacious uncles--who groused that Monet had done
those damnable water lilies nine dozen times already also. »
Et le fait est qu'on accuse/reproche souvent certains écrivains de poser leurs bottes dans des empreintes que leurs précédents godillots, déjà, firent, alors que la même critique ne semble pas de voir s'appliquer aux… plasticiens. En fait, l'idée de "série" colporte son petit bagage d'abstraction, et on la supporte mieux chez les artistes qui, figruratifs ou pas, tentent de décliner le… monde; alors que l'écrivain est censé être le champion du renouveau? Un élève de terminale y casserait ses dents et la question est plus qu'intrigante. Un écrivain se répéterait là où un peintre ferait œuvre de série. Pourquoi l'un lasse quand l'autre ravit? La réponse, malheureusement, est peut-être simplissime et indexée sur le temps nécessaire à l'observation de l'œuvre. Regarder six cents nénuphars de Monet ne prend pas dix plombs, mais se taper quatre cent pages de Markson gaverait vite. Bref, la série est correctement artistique dès lors qu'elle n'empiète pas sur ce temps de cerveau dont un crétin cathodique nous entretint naguère. A moins, nuançons, que l'effet de séries n'ait de sens, ou de puissance, ou… d'immanence que s'il se donne à voir dans l'immédiat, la confrontation, le diaporama oculaire dont s'enorgueillit l'œil du muséophile. Alors que lire, eh bien, c'est, comment dire ça, un peu long…
Quoi qu'il en soit, ce décalage en dit long. Peut-être devrions-nous lire plus vite les livres et regarder plus lentement les tableaux. Bref, avant de dire d'un auteur qu'il se répète, vérifier qu'il met en œuvre un effet de série et ne se contente pas de rabacher. Et quand on assiste à une rétrospective thématique d'un peintre, faire gaffe de ne pas confondre travaux d'approche et variations. Mais la variation n'est-elle pas en elle-même une recherche. La série, plutôt que d'affirmer un principe souverain, n'est-elle pas un über-tâtons? Je pose cette question, comme dirait l'autre. Car on ne peut pas juste trancher en disant "différence et répétition", encore faut-il prendre appui sur un perchoir qui n'expédie pas au ciel toujours le même nageur.
Eternel retour: retour du même, mais différemment.
La série cherche l'épuisement, qu'elle sait impossible. L'est-il? En tout cas, Markson, comme Monet, ont touché un nerf. Pour devenir ce que l'on est, restera-t-on celui qu'on aurait rêvé d'être?
Se répéter: chiant, à tous les coups.
Répéter ce qu'on n'a pas encore dit: mystérieux.

Nabokov Tétramètre


Amusants, ces sonnets en tétramètres de Nabokov, qui pourtant prit le parti de traduire Eugène Onéguine de Pouchkine en vers libres. [Il est fortement conseillé, par ailleurs, de lire la traduction qu'a récemment signée André Marcowicz, parue chez Actes Sud: pur chef d'œuvre…] Donc, Nabokov:




On Translating Eugene Onegin


1
What is translation? On a platter
A poet's pale and glaring head,
A parrot's screech, a monkey's chatter,
And profanation of the dead.
The parasites you were so hard on
Are pardoned if I have your pardon,
O, Pushkin, for my stratagem:
I traveled down your secret stem,
And reached the root, and fed upon it;
Then, in a language newly learned,
I grew another stalk and turned
Your stanza patterned on a sonnet,
Into my honest roadside prose--
All thorn, but cousin to your rose.

2
Reflected words can only shiver
Like elognated lights that twist
In the black mirror of a river
Between the city and the mist.
Elusive Pushkin! Persevering,
I still pick up Tatiana's earring,
Still travel with your sullen rake.
I find another man's mistake,
I analyze alliterations
That grace your feasts and haunt the great
Fourth stanza of your Canto Eight.
This is my task--a poet's patience
And scholastic passion blent:
Dove-droppings on your monument.

--Vladimir Nabokov

Eclat de rire


"And this is Joaquin", El Nato smiling up at the bird. "Tell them something about sourself, m'hijo."
"I like to fuck the gringo pussy", confided the parrot.
(Against the Day, p. 385).

mardi 11 septembre 2007

C'est Kapital


A écouter sur kcrw, bientôt (le 27 sept) un entretien de Silverblatt avec l'écrivain Viken Berberian, auteur de l'excellent Das Kapital, pour lequel on cherche encore un éditeur en France.

Le Comptoir des Mots


Précision, donc: la librairie Le Comptoir des mots a une adresse, et cette adresse, qu'on avait oublié de donner, est la suivante:

239 rue des pyrénées 75020 Paris

Donc, le 19 octobre, à 20h.

Agenda


Nuit américaine
19 octobre 07

Faire découvrir à un large public un certain nombre d’auteurs majeurs de la littérature américaine du XXe siècle qui, malgré une reconnaissance critique indubitable, trouvent fort peu de lecteurs, tel est l'objectif de la soirée américaine des Traducteurs Fous...
Dès les années 1960, la fiction américaine a vu ses formes et son écriture prendre des chemins et se lancer des défis pour le moins singuliers. Des écrivains aussi différents que William Gaddis, William S. Burroughs, Thomas Pynchon, etc., ont bâti alors des œuvres souvent ambitieuses, parfois monstrueuses, toujours dérangeantes et jubilatoires. De jeunes écrivains, aujourd’hui, poursuivent des recherches dans ce prestigieux sillage.
Les libraires du Comptoir des Mots se sont plongés dès ce printemps dans un riche programme de lectures. Fin septembre, ils réaliseront un document en collaboration étroite avec Claro et Bernard Hoepffner, présentant une sélection bibliographique commentée, un parcours à travers les œuvres traduites par Hoepffner et Claro (et par d’autres, dans la collection "lot 49" notamment) et un entretien avec chacun d’eux.
Dans la librairie, une table et une vitrine présenteront les livres sélectionnés, la plaquette de présentation sera disponible et largement distribuée.
Il s’agit donc d’un événement qui met en avant le travail des libraires sur le fonds, le principe d’une défense de longue haleine d’œuvres vers lesquelles le public ne s’oriente pas spontanément.
La grande « Nuit américaine » du 19 octobre 2007, dans le cadre des « Nuits de l’écrit » se déroulera donc autour des interventions croisées de Bernard Hoepffner et de Claro ainsi que d’un programme de lectures d’extraits d’œuvres par les comédiens des auteurs sélectionnés, pour une soirée conviviale et ouverte à tous.

lundi 10 septembre 2007

A place to be


Si vous passez par là, tant mieux. C'est l'ami Sébastien Doubinsky et un de ses potes qui ont fait le pari pas si fou de writer a poem a day. Ils s'y emploient. On les suit. C'est en anglais mais que diable les frontières. Extrait d'aujourd'hui:

So I’m back

yackety yack

nearly broke my back

and really need some smack

Flaubert, le couillu magnifique


Le mot "couillu" vient de faire son apparition dans le Robert, et jusqu'ici aucun syndicat d'eunuques n'a attenté de procès à l'éditeur du dictionnaire. On sait que le mot couillu figure dans la correspondance du maître de Croisset (mais s'il n'est pas cité par le Robert…), mais peut-être ne connaît-on pas cette lettre écrite à Louis Bouilhet fin 52, et qui vaut son pesant de castagnettes. La voic, pour le plus grand plaisir des papilles neuronales…

Cejourd' huy, 26 décembre 1852.
En recepvant, à ce matin, la tant vostre gente épistre, i' ay esté marry, vrayment ; car ès érèbes
où pérégrine ma vie songeresse, ces jours dominicaux, par ma soif, sont comme oasis libyques où ie me rafraischys à vostre ombraige et en suis-ie demouré méchanique toute la vesprée, ie vous assure. Oyez pourtant. Par affinité d' esperits animaulx et secrète coniunction d' humeurs absconses, ie me suys treuvé estre ceste septmaine hallebrené de mesme fascherie, à la teste aussy, au dedans, voyre ; pour ce que toutes sortes grouillantes de papulles, acmyes, phurunques et carbons (allégories innombrables et métaphores incongrues, ie veux dire) tousiours poussoyent emmy mes phrases, contaminant par leur luxuriance intempestive, la nice contexture d' icelles ; ou mieux, comme il advint à Lucius Cornelius Sylla, dictateur romain, des poulx et vermine qui issoyent de son derme à si grand foyson que quant et quant qu' il en escharbouylloit, plus en venoyt, et estoyt proprement comme ung pourceau et verrat leperoseux, tousiours engendrant corruption de soy-même, et si en mourut finalement.

Ains vous, tant docte scripteur, qui d' un font caballin espanchez à goulot mirifique vos ondes susurantes, de ce souci ne vous poinctant, ceste tant robuste pucelle qui ha nom muse, comme bon compaignon et paillard lyrique que estes, tousiours la tabourinez avec engin roide, tousiours la hacquebutez, la gitonnez, la biscotez, la glossotez, par devant, par derrière, en tous
accoutremens et langaiges, à la francoyse, à la sinnoyse, à la latine, à l' alexandrine, à la saphique, à l' adonique, à la dithyrambique, à la persique, à l' égyptiacque, en cornette, en camail, sur le coing d' ung tonneau, sur les fleurs d'ung pré, sur les coquilles du rivaige, en plain
amphithéâtre ou en camère privée, brief en toutes postures et occasions. Ie me suys bien délecté ce jourd' huy à vos distiques catulliens. Ie vouldroys en faire tels, si pouvois, ie le dys. Comme Julius Caesar Scaliger (ung consommé ès lettres anctiques, cestuy-là) qui souloyt répéter par enthousiasme, luy plus aimer avoir faict l' ode melpomènéenne du bon Flaccus que estre roy d' Arragon (ce est une province de Hespaigne, delà les monts Pyrénéans, près Bagnères en Bigorre, où vérolés vont prendre bains pour eux guarryr ; allez, si en estes), i' ay donc curiosité véhémente de voir du tout finy votre carmen fossiléen qui estalera la pourtraicture des antiques périodes de la terre et chaos (y devoit estre un aage à rire, par la confusion qu' y estoit) et ie cuyde desia, par le loppin que i' en connoys, que sera viande de mardy-gras, régallade de monseigneur, et y fauldra estre moult riche en entendement poétique, pour en guster à lourdoys la souëve saveur, comme de Chalibon de Assyrie, de Johannisberg de Germanie, de Chiras ès mers indiques, que magnats seuls hument quand ils veulent entregaudyr aux grandes festes et esbattements dépenciers. Ains n' avez-vous paour, amy, que tousiours couché comme ung veau et roulant la vastitude de ces choses en la sphéréité de vostre entendement, elles ne cataglyptent une façon de microsme en votre personne et ne vous appréhendent vous-même ? Ce advient aux femmes engroissées, vous savez, qui appètent mangier un connil, ie suppose ; à leur fruict qu' elles font poussent des oreilles de connil sur l' estomach ; ou comme enfantelets qui cogitant, dans leur bers, eux pysser contre un mur, compyssent de vray leurs linceuls ; tant le cerveau ha force, ie vous dys, et met tous atosmes en branle ! Adonc, vos roignons deviendroyent rochiers et les poils du cul palmiers, et la semence demeurant stagnante ès vases spermatiques (comme laictages, l' été, dans les jarres d' argile) se tourneroit en crème, et bientôt en beurre, voyre bitume plustôt, ou lave volcanique dont on feroyt après des pumices, pour bellement polir les marbres des palais et sépulchres. Lors, mousse croystroit au fondement (lequel tousiours est eschauffé par vents tiédis comme ès régions équatoriales), fange serait ès dents, or en aureilles, nacres ès ongles, fucus sur la merde et uystres à l' escalle dans le gozier ; yeux aggrandis et tousiours stillants en place seroient comme des lunes mortes, et perpétuelle exhalaëson poëtique, comme l' on voit de l' Etna en Sicile, issoyroit de votre bouche ! Voyageurs lors viendroient par milliers specter ce poëte-nature, cet homme-monde et ce rapporteroit moult argent au portier. Je m' esgare, ie croys, et mon devis sent la phrénésie delphique et transport hyperbolique. Si pourtant ne vay-ie tourner mon style, car vous sais-ie compaignon aymant aulcune phantaisie et phantastiquerie, et conchiez de dédain et contemnation (ès continents apolloniques) ces tant
coincts jardinets, à ifs taillés et gazons courts, où l' on n' a place pour ses coudes ne ombre pour sa teste. Ains dilectez contrairement les horrificques forêts caverneuses et spelunqueuses, avec grands chênes, larges courants d' aër embalsamés, fleurs coulourés, ombres flottantes, et tousiours, au loing, quelque hurlement mélancholique, en le dessous des feuilles, comme d' un loup affamé ; et déjà, delà, esbattements spittacéens sur les hautes branches, et singes à queue recourbe, claquant des badigoinces et montrant leur cul. Or donc, puisque n' avons jà bronché (estant ferrés à glace, ie suppose) ni jà courbé nostre eschine sous le linteau d' aulcune boutique, ecclise, confrayrie, servition quelconque, guardons (ce est mon souhait de nouvel an pour tous deux) ceste sempiternelle superbe amour de beaulté, et soyons, de par toute la bande des grands que ie invoque, ainsy tousiours labourant, tousiours barytonnant, tousiours rythmant, tousiours calophonisant et nous chéryssant. à dieu, mon bon, adieu mon peton, adieu mon couillon (gausche).
Gustavus Flaubertus,
bourgeoisophobus.

vendredi 7 septembre 2007

A suivre?


Deux blogs qu'on a remarqués et qu'on va suivre…


http://labruyantissime.blogs.courrierinternational.com/

http://lamygalepourpre.blogspot.com/

Bovary: la poupée


Signalé par G@rp, la poupée Madame Bovary commercialisé par Atlas existe bel et bien, nous avons retrouvé sa trace sur eBay, où on peut se la procurer pour moins de cinq euros. Tentant, mais bon… il ne semble pas à première vue qu'elle vomit de la sauce noire quand on lui presse l'abdomen, dommage. A quand la marionnette Dantec ou le clown Libérati?

jeudi 6 septembre 2007

Jeudi (et je le pense)


Je relis actuellement les épreuves de mon prochain-roman-à-paraître: "Madman Bovary". Relire signifie, en l'occurrence, devenir le lecteur de soi-même, de sa prose un peu tiède mais qui a commencé à se brouiller, comme une eau qui, il y a peu, reflétait encore toute la limpide folie de son irruption mais, désormais, semble avoir croupi, à moins que ça soit vous qui ayez croupi, je veux dire moi, enfin bref, se relire revient à se voir métamorphosé en une espèce de lecteur corrompu, sur le point de refuser le pot-de-vin de la petite vanité personelle, et déjà pas mal disposé à sacquer tout ce qui boite. En fait, le processus est de l'ordre du détachement, et rappelle, si besoin est, qu'écrire n'est pas une opération de cuisine visant à lier l'œuf de l'ego avec l'huile de la complaisance, il s'agit plutôt de se faucher les pieds en gardant l'herbe, d'accepter de se décomposer en une myriade de composants possiblement génétiques, éventuellement pathétiques, sûrement défintiifs. Mais si écrire c'est apprendre à se déposséder de son tiers état civil, se relire est franchement hilarant, cruel, sain – on sabre et on biffe, on casse le joujou dont on croyait avoir inventé le remontoir, on a même parfois un goût de sang pas sien dans la bouche et ça c'est chouette. (Cette après-midi, j'ai fait un tour en librairie, et je suis tombé sur le livre de Richard Millet traitant du déclin de l'empire littéraire — après l'avoir parcouru, j'ai cherché sur le quatrième de couverture un indice, et en lisant cette expression "nous autres écrivains", j'ai manqué hurler de rire… à quelle fraternelle et fripée confrérie Millet fait-il froide référence, je ne sais, mais franchement, "nous autres écrivains"… gag gâteux, sans doute…). Circulez, tout reste à lire.

mercredi 5 septembre 2007

Déklin dla lang franssaise


Intrigué par le dernier post de Thomz (acountryforoldmen), on est allé voir du côté du journal Le Point.
Richard Millet, interviewé avec assez de punch, d'ailleurs, par Jacques-Pierre Amette, est formel: La langue française va à vau-l'eau, le roman français s'est démocratisé au point d'être de la merdouille, la figure de l'écrivain a été désacralisé, la littérature américaine se résume à l'indigent Jim Harrison et l'anglaise aux polars, la critique est aveugle, quant aux blogs, c'est l'anti-chambre de cette Gestapo qu'est le Net – seul Littel, qu'il a publié avec succès de librairie, reste un objet "migratoire".
Hum. On évitera de citer quelques phrases extraites du précédent livre de Millet, ça serait méchant et gratuit.
Que penser de ce genre de discours? Eh bien, franchement, pas grand-chose – et heureusement que Amette laisse entendre à plusieurs reprises que ces jérémiades ont existé de tout temps. On s'étonne qu'un type qui bosse dans l'édition et doit passer pas mal d'heures à lire les nouveautés n'aient pas trouvé, ici et là, de quoi rassasier sa soif de talent. En fait, ce qui chagrine Millet, c'est que l'écrivain ne soit plus sur un piédestal. On ne le salue plus dans la rue. On le confond avec Joe Dassin. Confusion des valeurs, nivellement par le médiocre. Et Millet de nous annoncer, ni plus ni moins, que "la nuit". Ouille. Son regret est-il statistique (pas assez de "grands écrivains), catastrophique (plus du tout de "grands" écrivains"), comparatifs (de moins en moins d'écrivains), digestif (plus rien ne passe)? Bref, on ne sait pas trop, si ce n'est qu'ayant découvert que la littérature n'était pas immortelle (mais qu'est-ce que foutre ça veut dire???) Millet nous dit qu'une "ère inculte" s'annonce. Evidemment, du temps du voyou Rimbaud, on savait trousser des vers en latin à dix-sept ans (euh… forcément, vu le nombre de ceux qui avaient le droit de s'asseoir sur les bancs…). Maintenant, c'est la chienlit, tout le monde écrit, plus personne ne lit. Mazette. Je suppose qu'il serait inutile de citer trente, quarante, voire cinquante écrivains qu'on peut lire, qui écrivent aujourd'hui, ici ou à l'étranger. Ça ne servirait à rien. On a déchu, Millet n'en démord pas. "Banalisation de l'écrivain"! qu'il dit. "Fin de la France", qu'il précise. Eh oui, nous y voilà. Ce n'est pas politique, c'est pire. Millet est sorti de sa caverne, a pigé que ce qu'il se rétroprojectait depuis le début c'était des ombres et que dehors, oh my god, c'est Barnum et Biba.
Franchement, on croit rêver. Ça donne envie d'être cent fois plus pop. Et chez Gallimard, ils en pensent quoi? Ça doit faire bizarre de salarier un prophète.
Bon, en attendant la décapilotade apocalyptico-linguistique de notre pitoyable Gaule, je propose qu'on réimprime le livre de Chevillard en remplaçant le nom "Nisard" par "Millet". Il y en a qu'un qui s'en apercevra, c'est sûr.

mardi 4 septembre 2007

RévoTopo


Le chouette site Topo d'Isabelle Rabineau consacre un beau déroulé à MZD, avec doc audios à l'appui et autres gâteries. Pour les inconditionnels d'OR et tous les autres, aussi.
Côté Vollmann, Odot et Fausto ont frappé fort. Demain, une raison de lire Télérama, aussi.
En attendant, je finis ma lecture de "Les anges, Violeta", de Dulce Maria Cardosao, auteur portugais, paru à l'esprit des Péninsules. C'est plus que bien.

samedi 1 septembre 2007

(Dé)Lire: A l'article de l'ane mort


J'aime bien les critiques assassines, encore faut-il qu'elles aient de l'esprit dans le fiel et une belle colonne vertébrale, bref qu'elles justifient leurs coups de griffes par autre chose que le plaisir de sucer sa propre salive. La Magazine "Lire" consacre dans son dernier numéro une page entière à "Central Europe" de William T. Vollmann, ce qui est peut-être déjà en soi un exploit pour cet équivalent littéraire de Télé7Jours. De prime abord, on est surpris par la forme binaire du papier: un pour et un contre. Ça veut dire quoi, être "contre" un livre ? Je ne suis pas "contre" Les Bienveillantes, pas contre Oui-Oui au pays des jouets. De même, je ne crois pas être "pour" Ulysse ou Les Reconnaissances. Il y aurait donc quelque chose de prfondément, d'intensément ambigu dans le dernier livre traduit de Vollmann pour qu'on puisse s'autoriser à établir deux camps, deux partis rivaux? En fait, ce "pour/contre" est là pour cacher le navrant petit "j'aime/j'aime pas", qui tient lieu en France de critique littéraire, et fait l'économie de l'analyse la plus élémentaire. Car le critique littéraire français se raccroche comme un ouistiti orphelin à la branche du goût plutôt que d'explorer le tronc du jugement. Donc: pour et contre. Avec tout de même, en présentation, et par deux fois (la première en chapeau, la seconde en légende à la photo), la quintessence décantée de ce choix: "chef d'œuvre ou imposture" et "génie ou fumiste". Incroyable, non? Non seulement "Lire" (mais qui? les deux journalsites d'un commun accord, leur patron d'une commune inconscience?) pose un postulat aberrant concernant le livre en question, mais, d'un coup de baguette magique et soi-disant logiue, remonte les bretelles de ce postulat sur les épaules de l'auteur. Si c'est une imposture, alors c'est que l'auteur est un fumiste. Hum. Curieux, parce que dans mon souvenir, le mot "fumiste" me semble appartenir à une classe d'adjectifs que je rangerais dans la catégorie "insulte". Bon, je veux bien admettre que "Central Europe" n'est pas un chef d'œuvre (ils sont rares), mais du coup il passerait carrément dans le camp adverse. Bigre, 996 pages de mystification, de poudre aux yeux? Ça fait cher le grain. Mais l'affaire devrait être vite éclaircie car, toujours dans le chapeau, on nous enjoint: "A vous de juger!" En lisant l'article? En lisant le livre? On ne sait. Mais l'on sent que le papier du bas (le contre) est là pour miner celui du haut, ainsi que tous ceux qui feraient l'éloge du roman de Vollmann, comme si la critique se coletait davantage avec la doxa des confrères qu'avec la matière même du texte.
Disséquons donc le papier injurieux et grossier qu'André Clavel a écrit, pardon, rédigé, sur "Central Europe". Il nous donne une leçon - à nous de la tirer, si je puis dire.

"William T. Vollmann est un graphomane" : D'emblée, méfiance envers un écrivain prolixe. L'excès est louche. Soit.

"Et comme il est atteint de rétension chronique, il garde tout." Ah ah! Quelle belle trouvaille que cette "rétension", et comme son parfum médical laisse augurer de ce que sera l'article: une réaction viscérale. Continuons.

"Le pire, c'est qu'il publie sans vergogne le moindre rogaton, les fonds de tiroir et la planche qui va avec." D'abord, précisons que ce n'est pas Vollmann qui publie, mais ses éditeurs. On peut supposer que Clavel vise non pas tant Central Europe mais en gros tout ou partier de l'œuvre Vollmannienne. De l'œuvre parue ou de l'œuvre traduite? On ne sait. Comme on ignore la connaissance qu'a Clavel de l'œuvre vollmannienne, parue, traduite… ou à venir.

"Résultat: depuis une décennie, le galérien des lettres américaines nous assène des pavés aussi indigestes qu'inutiles." Si Claver parle de décennie, alors j'en déduis qu'il fait référence à l'œuvre traduite et non au corpus en soi. Autrement dit huit livres publiés à ce jour. Tous ne sont pas des pavés, même si'l est vrai leur nombre de pages outrepasse celui d'un roman d'Alexandre Jardin. Ce "indigeste" s'inscrit dans cette délicate métaphore médicale qui commence à s'épanouir et dont on verra à quel point elle ne recule devant rien (puisqu'elle ne vise à rien d'autre qu'à dire au lecteur de cet article, de façon crassement subliminale, que Vollmann écrit de la "merde"). En revanche, cet "inutiles" est stupéfiant. Malheureusement, on ignore quelles bases critiques le sous-tend.

"Pour qu'on avale la pilule de son précédent roman, 'La Famille Royale', son éditeur avait fait figurer sur la jaquette une plantureuse poitrine féminine: ce grossier racolage permit sans doute d'écouler quelques exemplaires d'un pur navet." Diantre. Quel venin! Constations dans un premier temps que parallèlement au vocable pachydermique (pavé/plantureux), se dessine une imagerie rachitique (rogaton/pilule). Intéressant. Bon, là, ce qui se passe, c'est qu'au dossier de l'accusé on fait figurer un crime dont il est innocent: le choix de la couverture de l'édition en français d'une de ses traductions. Précisions que la couverture de 'La Famille royale' ne montre pas une "plantureuse poitrine féminine" mais une photo de l'artiste Jan Saudek, photographe aux partis pris esthétiques assez époustouflants. Précisons également que le choix de cette photo comme visuel de couverture était plutôt courageux, et qu'il a sûrement amputé l'ouvrage de quelques ventes si l'on en croit des réactions de libraires, lesquels ont parfois hésité à mettre le livre en vitrine ou ont senti que certains lecteurs éprouvaient une réticence devant cette couverture sans concession. Mais bon, pour Clavel, c'est du "grossier racolage". Et le livre précédent de Vollmann d'être qualifié de "pur navet". Passons.

Contentons-nous de relever quelques expressions choisies dans l'article de Monsieur Contre: "tacot qui perd son huile", "brouillon laborieux", "logorrhée", "dissertation historique", "pinaillage biographique", "rapport de police", "pur cliché", "réchauffé, "goulasch". Dommage que ces reproches, outre leur pittoresque imprécision, ne soient pas assortis d'exemples? (Manque de place, sans doute, l'invective prenant trop de place.) Bizarrement, et c'est souvent le cas, plus la violence de l'attaque est grande et moins sa justification est jugée nécessaire. Est-ce un paradoxe? Mystère de la critique…

On arrive au plus drôle. Clavel se demande si Vollmann a voulu plagier Grossman, Zinoviev, William Gass, Jonathan Littel. Qand on pense que Gass était encore inconnue il y a six mois… Décidément, les accusations de plagiat (qui est passible de poursuites aux yeux du Code, je le rappelle) ont la cote ces derniers temps. Mais imaginer (en manière de boutade, je suppose?) que Vollmann a "voulu plagier" Littell avec "Central Europe", c'est crétinissime, vu que le livre de Vollmann est sorti en langue anglaise le 24 mars 2005 (et était achevé bien avant puisque j'ai eu le manuscrit à l'été 2004) et que le roman de Littell est paru pour la première fois le 13 septembre 2006. Une fois de plus, je suppose que Clavel fait une boutade; mais son lecteur, lui, ne dispose peut-être pas de la liste de tous les copyrights sous les yeux. Affligeant.

Le meilleur est pour la fin: "On en ressort d'abord flatulent, puis K.-O., et l'on appelle le Samu en se disant que ce pensum qui croit stigmatiser le totalitarisme est lui-même passablement totalitaire, plus étouffant qu'une geôle soviétique." Ouh-la. La prose de Vollmann donne à Clavel envie de… péter! Mais surtout, son livre est "passablement totalitaire". Bigre. Et Clavel de conclure que Vollmann n'a pas besoin de lecteurs mais d'un plombier.
Là, on atteint le comble d'une virulence qui, outre la grossièreté, en plus de l'erreur factuelle, et moyennant une absence totale d'argumentation, s'achève carrément dans la condamnation politique. On aurait pu penser que Vollmann lorgnait du côté "roman totalé" — eh bien, non, c'est un roman "totalitaire", et "plus étouffantt qu'une geôle soviétique", geôles que Clavel doit bien connaître.
Que penser d'un tel papier? Et de ceux qui ont jugé "utile" (?), "digeste" (?) de le porter à la connaissance du lectorat. Vollmann est-il vraiment scandaleux à ce point? S'il est juste ennuyeux, pourquoi un tel tir d'artillerie pétomaniaque? On a déjà pu constater récemment, avec l'article consacrée par Nelly Kapriélian dans les Inrockuptibles à "O Révolutions" de Mark Z. Danielewski, que l'incompréhension crasse et la répulsion épidermique autorisaient les insultes et les galejades, au détriment d'une critique, ne disons pas en profondeur (faut pas rêver) mais tout simplement un tantinet… critique, voire responsable.
Vollmann, génie ou fumiste? On impose un choix, bidouillé de toutes pièces, aussi absurde que bête. On monte un dossier (le mot est fort) autour d'un livre qui nécessiterait, à tout le moins, lecture. Bref, on met en scène le renoncement critique dans une parodie digne d'Intervilles, mais sans les rires en boîte.
Clavel dans son ridiculissime papier, outre se gargariser de navrantes métaphores troupières, a cette idée qui donne froid dans le dos: Vollmann n'a pas besoin de lecteurs. Et le magazine Lire, de quoi a-t-il besoin ?
Mais ne nous échauffons pas et posons-nous plutôt la seule, la vraie, la capitale question à laquelle Clavel ne répond pas: Diana est-elle morte?